Ayant pour quelques instants accès à internet, j'en profite pour vous glisser ce texte qui me porte depuis une semaine. J'essaie de me reposer un peu après ces 2 ans 1/2 si lourds mais je ne vous oublie pas, vous tous qui avez espéré et prié pour nous. Patientez encore un peu, je vous réserve quelques surprises de taille. En attendant, savourez...
Sépulture de Jean-Noël BERTHELOT
Eglise Saint Pasquier de Nantes le 10 février 2009
Bien chers Frères et Sœurs,
Nous voici tous réunis autour de Jean-Noël, le cœur meurtri, l’âme endolorie ; certains peut-être révoltés, d’autres résignés. Nous avons cru. Nous avons espéré. Nous avons prié. A vue humaine, le résultat n’est pas à la hauteur de l’investissement. Et quel investissement ! Dieu ne nous aurait-il pas entendus ? N’écouterait-il pas la prière fervente montée de nos cœurs, spécialement celle des enfants ? Avec Jésus en Croix, nous avons envie de crier : " Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? "
Quand le chagrin nous étouffe, quand la douleur nous écrase, quand nous perdons pied dans les eaux tumultueuses des sentiments, quand les sables mouvants des certitudes trop humaines menacent de nous engloutir, il est toujours bon de se tourner vers la Parole de Dieu, baume apaisant pour le cœur. Et saint Paul nous l’affirme comme une véritable provocation : « SPES NON CONFUNDIT ». Oui, mes amis, « l’espérance ne déçoit pas ». Et pourquoi cela ? « L’espérance ne déçoit pas parce que l’Amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné ». (Rm 5, 5)
Qu’est-ce qui fonde l’espérance chrétienne ? Ce sont les arrhes de la vie éternelle déposées en nos âmes au jour béni de notre baptême. Que sont-elles ? L’Amour de Dieu, la charité qui est Dieu lui-même et qui nous garde unis à Lui dans les vicissitudes de la vie, les croix les plus cruelles, le témoignage jusqu’au sang ; cette charité que notre péché peut anéantir d’un seul coup. Voilà notre espérance fondée sur le Christ. Avec saint Pierre, nous disons : « A qui irions-nous Seigneur, Tu as les paroles de la vie éternelle ». (Jn 6, 68)
Cette espérance était celle de Jean-Noël. Comme le glaive de douleur traversant le Cœur immaculé de la Sainte Vierge
, son cœur était affreusement déchiré de devoir quitter, sur la terre, son épouse et ses filles chéries, ses chers parents, frères et sœurs et tant d’amis. Mais combien de fois m’a-t-il dit que la demeure du chrétien est au Ciel ! Chez lui pas de révolte, une lutte (inégale, il est vrai) contre la maladie et le spectre de la mort, mais toujours une foi solide et une espérance ferme. « Toujours prêt », cette devise scoute par lui professée et vécue jusqu'à l'ultime limite de ses forces, était une façon de mettre en œuvre l’évangile de ce jour. « Vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra ». (Lc 12, 40)
Chers amis, Jean-Noël nous a laissé une belle leçon de réalisme chrétien. Nous avons bien pu entrevoir parfois quelques traits d’un caractère entier et décidé, mais précisément, ce caractère lui valait aussi cette droiture d’âme, cette fidélité dans les engagements et ce bel enracinement de la foi que nous lui connaissions. Il a même préparé dans le détail sa Messe de funérailles. Plusieurs fois, j’ai été frappé par l'invariable interrogation concluant les nouvelles de sa santé : « Et vous, comment allez-vous ? » Epuisé, à bout de forces, au téléphone mercredi dernier, me sachant loin, cette toute dernière fois, il n’y manqua pas. Ce réalisme chrétien n’est pas une fuite du monde et des responsabilités. Au contraire, il consiste en une prise de conscience aiguë de la présence de Dieu, de l’initiative du Christ qui a livré sa vie pour nous. « Dieu le premier nous aima ». (1Jn 4, 19) De là le chrétien tire la conséquence logique de l’oubli de soi pour se livrer tout entier à l’amour du prochain, à l’exemple de notre seul Maître et Seigneur.
Chers Frères et Sœurs, la charité, voilà notre espérance car elle ne meurt pas et ne mourra jamais. (cf. 1 Co 13) Nous aurions tant aimé que Jean-Noël reste parmi nous et continue son chemin terrestre. Les voies de Dieu ne sont pas les nôtres et nous semblent bien mystérieuses. Mais ce serait manquer à la mémoire de Jean-Noël que de repartir abattus et sans espérance. Et tous ces trésors de grâces, de prières et de sacrifices accumulés ? Et tout ce magnifique élan de charité dont vous êtes, présents ou non, les témoins vivants ? Tout cela retombera-t-il comme un soufflet ? Reviendrons-nous à la banalité du quotidien sans conserver et faire grandir toutes ces richesses de vie évangélique ? Permettez-moi donc de vous proposer deux pistes pour que, comme le dit saint Paul, « nous n’ayons pas couru en vain ». (Ga 2, 2)
La première est d’entourer Anne, Inès, Maïlys et Diane de notre affection, de notre amitié et d’attentions délicates, discrètes et efficaces, pas seulement aujourd’hui ou demain, mais au long des mois et des années. Je suis sûr que la charité saura vous inspirer mille douceurs qui viennent soulager le quotidien et rendre le fardeau plus léger. Comme il est bon de voir que l’amitié n’est pas un vain mot (certains si proches d’Anne et Jean-Noël se reconnaîtront) et qu’elle jette sur les plaies les plus vives une huile douce et parfumée, non sans rapport avec celle qui a marqué nos fronts lorsque nous sommes nés au Dieu Trinitaire.
La deuxième piste concerne le blog placé sous la protection des bienheureux époux Louis et Zélie Martin. Ils ne se sont sûrement pas trouvés par hasard sur le chemin de nos amis, mais peut-être pas pour les fruits que nous en attendions. Si les innombrables ruisseaux et rivières de l’Amazonie forment un fleuve à la puissance inégalée, au débit plus important que tous les fleuves d’Europe réunis, la puissance d’internet, sa capacité de concentration et de démultiplication, peuvent faire mieux que l’Amazone. Le Saint-Père exhortait tout récemment les jeunes générations, « générations du numérique », à évangéliser par les moyens modernes de communication. Saurions-nous relever le défi ? Peut-être élaborer un site sous le patronage des bienheureux Martin au service des familles ? Partager les peines et les souffrances des uns, stimuler la prière en famille, mettre à disposition des documents utiles, encourager un magnifique soutien mutuel précieux pour les familles désireuses de vivre leur foi catholique et se retrouvant isolées dans un monde de plus en plus hostile à l’Evangile ; ne serait-ce pas un beau cadeau à offrir à Jean-Noël ? Je suis sûr qu’il s’impliquerait intensément depuis les balcons du Ciel. Chers amis, je fais confiance à votre inventivité et vos compétences. Nous avons besoin de nous épauler les uns les autres et ainsi de témoigner au monde par notre charité mutuelle, d’un Amour que nous recevons d’ailleurs, dont nous vivons, notre joie et notre espérance.
Nous formons une même famille, appelés à la sainteté dans notre Mère la Sainte Eglise Catholique.
Je ne peux pas ne pas évoquer la joie de Jean-Noël d’avoir reçu le sacrement des malades des mains du Pasteur universel, notre bien aimé Saint-Père le Pape. Cette joie, loin d’être mondaine, manifestait sa gratitude et sa fidélité au successeur de Pierre. Jean-Noël s’est éteint dans la paix parce qu’il s’était confié totalement au Christ et que, dans l’humilité, il était un fils fidèle de l’Eglise, préférant la liberté que confère l’obéissance aimante au magistère à la trompeuse indépendance de ceux qui se croient plus inspirés que celui qui a reçu du Christ lui-même la charge d’être son vicaire sur la terre. Malgré
l’étendue universelle de sa bienveillance pastorale, le Saint-Père n’a pas oublié cette rencontre de Lourdes. Assurant Jean-Noël et Anne de sa prière, il leur a même, fait rarissime, adressé un courrier personnel. Nous voulons aujourd’hui, le remercier publiquement du fond du cœur et lui dire notre prière et notre affection.
Dans son admirable homélie de la Messe des malades à Lourdes, il nous invitait à contempler le sourire de Marie : "Marie est aujourd'hui dans la joie et la gloire de la Résurrection. Les
larmes qui étaient les siennes au pied de la Croix se sont transformées en un sourire que rien n'effacera tandis que sa compassion maternelle envers nous demeure intacte. L'intervention secourable de la Vierge Marie
au cours de l'histoire l'atteste et ne cesse de susciter à son égard, dans le peuple de Dieu, une confiance inébranlable : la prière du Souvenez-vous exprime très bien ce sentiment. Marie aime chacun de ses enfants, portant d'une façon particulière son attention sur ceux qui, comme son Fils à l'heure de sa Passion, sont en proie à la souffrance ; elle les aime tout simplement parce qu'ils sont ses fils, selon la volonté du Christ sur la Croix... Dans
le sourire de la plus éminente de toutes les créatures, tournée vers nous, se reflète notre dignité d'enfants de Dieu, cette dignité qui n'abandonne jamais celui qui est malade. Ce sourire, vrai reflet de la tendresse de Dieu, est la source d'une espérance invincible". (Benoît XVI, le 15 septembre 2008 à Lourdes)
En cette veille de la fête de Notre-Dame de Lourdes, nous nous tournons, confiants, vers Celle qui est « Ianua Caeli », la Porte du Ciel. Que sa tendresse maternelle obtienne à Jean-Noël la lumière éternelle et que son sourire l'accueille au seuil du paradis. Que Marie lui donne son Fils dans la claire vision de la béatitude céleste. Que la « douce Vierge Marie » que nous chantons dans le Salve Regina, nous enveloppe de sa douceur pour que notre chagrin ne soit pas sans espérance, pour que la douleur du Golgotha soit illuminée par la lumière de Pâques, pour que l’or de la charité purifié au creuset de la Croix embrase nos cœurs et le monde.
Finalement, j’aimerais dire un immense merci à Jean-Noël qui, coopérant à l’œuvre de la grâce en son âme, nous a dévoilé le mystère d’une véritable fraternité de chrétiens. En perdant un ami très cher, nous avons sûrement mieux mesuré, par son exemple et à l'occasion de l'ascension de son chemin de Croix, la profondeur de la véritable fraternité en Jésus-Christ ; nous avons vécu l'expérience suave d'une vraie charité fraternelle, icône aux mille reflets du pur Amour divin. Puissions-nous ne pas l’oublier et conserver précieusement ce présent qu’il nous laisse en notre séjour terrestre. Car, "lorsque viendra ce qui est parfait, ce qui est partiel disparaîtra… Nous voyons actuellement une image obscure dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai vraiment, comme Dieu m'a connu. Ce qui demeure aujourd'hui, c'est la foi, l'espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c'est la CHARITE". (1Co 13, 10.12-13)
Ainsi-soit-il !